vendredi, septembre 24, 2010

La nuit des noces incertaines.



Le lendemain de la nuit des noces, le Calife se réveille et s'étire
longuement.
Il n'a jamais aussi bien dormi.
Il cherche son épouse dans le lit et ne la trouve pas.
Elle est assise, rêveuse, si calme, sur le bord de la fenêtre et
regarde le jour se lever sur Bagdad.

Dehors la foule l'acclame déjà.
"Elle est vivante!
Elle a sauvé sa tête!
Vive la Princesse!"

Il ne se souvient de rien, sauf des yeux de Shahrzād fixés sur lui.
Elle l'avait pris par la main, avait traversé la grande salle des
fêtes, altière et inaccessible, l'avait entrainé dans la chambre et
l'avait plaqué fermement sur le lit, ses deux mains appuyées sur ses
épaules. Il ne souvient que de ses yeux mystérieux fixés sur lui, de ses propres
jambes devenues lourdes d'un coup, de cette envie irrésistible de
dormir, de s'abandonner complètement.

Un rossignol entre dans la chambre nuptiale et se pose sur le linteau
en argent du lit. Il chante si gaiement que le cœur du prince se
demande si c'est musique qui vient d'un oiseau, des hommes ou bien
des Anges d'Allah tout puissant.

Le rossignol annonce au Roi la naissance d'un éléphant blanc
à Bashrah. Il doit partir en voyage de noces sans tarder, dans cette
ville, acquérir cet éléphant et l'offrir à son épouse.

Un rayon de soleil éclabousse la chambre. Le calife est comme
paralysé, en transe, secoué par une vague de chaleur. Son cœur brule
d'amour. Il est secoué d'innombrables vagues de plaisir pur.
Shahrzād n'est qu'une ombre à contre jour. Quelle magicienne aux
pouvoir étranges a t-il donc épousée?

Sa main gauche est moite sur le drap. Du sang !

Alors Shahrzād se lève et vient vers lui.

"Allons, mon Roi, venez donc avec moi vous exposer au bord de cette
fenêtre. Montrons aussi ce drap nuptial taché de mon sang. Ne faut-il
pas que le peuple se réjouisse de nos amours? Ne faut-il pas qu'il
sache qu'ils ont enfin une Princesse à chérir.

Choses grivoises et futiles plaisent aux peuples bien plus que les
affaires du Royaume,
vous le savez bien."

-----------------
Notes:

Ce qu'il faut comprendre c'est le parallélisme évident avec la forme
de l'apocalypse de Jean:

Le narrateur est toujours présent que ce soit Jean ou Shahrzād, Il est
celui qui "voit" ou commente.
Les structures sont en tableaux imbriqués. Comme nos mémoires A ?

Au risque de vous surprendre, je crois que Shahrzād est une
réincarnation de l'apôtre Jean, l'apôtre resté vierge et Shahrzād
restera vierge aussi.

Mais dans le cycle des réincarnations, il existe des phases, des
retours sur mémoires, et...des blagues jouées par les Dieux, comme des
épreuves à traverser.

Chaque naissance est oubli et recommencement, avec des risques de
chute.

Jean est celui qui doit rester sur Terre jusqu'à l'accomplissement
final.

Il aurait pu partir, mais il se devait de rester. Pourquoi?

Pouvons nous connaitre les desseins véritables des Dieux. Ne tissent-
ils pas des destinées en nous laissant le libre arbitre pour choisir
ensuite entre les diverses routes.

Shahrzād est un message de douceur en terre d'Islam. Elle ne juge
jamais. Elle raconte avec bienveillance. Son message est simple:

Quel que soit votre sort, il existe toujours des moyens pour aller
vers du "merveilleux". Votre sort est-il bien votre destinée?

Shahrzād délivre avec amusements des moyens d'éviter les chutes, ou
sinon des moyens pour toujours pouvoir se relever.

C'est cela son langage sur le langage.

Quelle que soit votre destinée,
Quel que soit votre sort...

Un des secrets de Shahrzad est de générer une séquence imaginaire en
tableaux où elle est présente, pour
combler le manque à être entre sort et destinée?

La séquence imaginaire comble la différence entre l'étant et l'être.

(C) Ivano Ghirardini 20/01/2009